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3 questions à… Simone Beck

Simone Beck est la présidente de la Commission nationale pour la coopération avec l’UNESCO. Depuis octobre 2020 la Minett UNESCO Biosphere fait partie du programme « L’Homme et la Biosphère » de l’UNESCO. Opportunité de poser trois questions relatives au rôle de l’UNESCO à Simone Beck.

Quel rôle joue un organisme mondial comme l’UNESCO dans la préservation de l’histoire, de la culture, mais aussi dans la conservation de la nature et la biodiversité dans les différents pays membres de l’organisation, mais surtout aussi au Luxembourg ?


Le concept de l’UNESCO a été élaboré pendant la Seconde Guerre mondiale à Londres par les ministres de l’Éducation des gouvernements européens en exil dans la capitale de la Grande-Bretagne. Fondée en octobre 1945, l’UNESCO se donne pour mission de propager la paix et les droits humains par une meilleure éducation (à la tolérance et la compréhension mutuelle), par les sciences naturelles, sociales et humaines et par la culture dont le fondement essentiel est la créativité et le talent de tous les êtres humains. Ainsi elle a créé le programme du Patrimoine mondial qui regroupe des sites culturels et naturels d’une valeur universelle exceptionnelle, comme les vieux quartiers et les fortifications de la Ville de Luxembourg qui ont été admis dans ce programme prestigieux en 1994.


Le patrimoine documentaire de l’Humanité, mieux connu sous « La Mémoire du Monde », est un programme fascinant, puisqu’il nous montre par des partitions de musique, des manuscrits médiévaux, des archives de guerre, des registres d’esclavage ou encore croquis techniques de quelle inventivité l’être humain est capable, pour le meilleur et pour le pire. Depuis 2003, l’exposition photographique montrée au Château de Clervaux « The Family of Man » et conçue par Edward Steichen fait partie de « La Mémoire du Monde ». Mais la créativité des êtres humains ne se montre pas seulement dans des choses tangibles : le domaine du patrimoine immatériel est immense. Les coutumes, les rites, les danses, la gastronomie, la maïeutique, la cérémonie du café ou la vinification en terre sont autant d’exemples d’un patrimoine vivant. Le Luxembourg  est représenté deux fois sur le Registre du patrimoine immatériel de l’Humanité : depuis 2010 avec la procession dansante d’Echternach et depuis 2020 avec l’art musical de sonner la trompe des Haupesch-Bléiser.


Par ses programmes « L’Homme et la Biosphere », les « Global UNESCO Geoparks » ou ses nombreuses initiatives dans la protection des univers aquatiques ou ses recherches dans le contexte du changement climatique, l’UNESCO combat sur de nombreux fronts pour permettre d’atteindre les Objectifs de Développement durable de l’Agenda 2030. Au Luxembourg, la désignation des onze communes du Pro-Sud comme « Minett UNESCO Biosphere » fait de ces onze communes une région modèle pour le développement durable, un immense honneur et un grand défi. Il s’agit en effet de concilier le développement économique et urbain avec le respect de l’environnement et des ressources naturelles.


La « Minett UNESCO Biosphere » fait partie du programme « l’homme et la biosphère » qui fête ses 50 ans cette année. Quels sont les avantages que peuvent tirer la nature, l’économie et les habitants de la région sud du Luxembourg grâce à l’acceptation du Minett dans ce réseau ?


Les avantages sont multiples. Le fait d’être une biosphère contribue à une meilleure cohésion sociale de la région et à un intérêt accru pour son potentiel écologique et ses richesses tant naturelles que culturelles. Par ailleurs, la collaboration entre le secteur économique et les initiatives écologiques a un immense potentiel. L’UNESCO ne veut aucunement imposer des règles aux firmes industrielles ou artisanales de la région : elle espère que le fait d’avoir leur siège dans une biosphère contribue à une meilleure prise de conscience de la durabilité et de la résilience.


Quels sont, selon vous, les grands défis des sites et patrimoines UNESCO, actuels et futurs, ces prochaines années, et ce aussi bien au Luxembourg qu’ailleurs dans le monde ?


L’humanité est confrontée à des défis majeurs : le changement climatique, la pollution des eaux et des mers, la disparition des insectes, le mauvais état des forêts, le comportement irresponsable des sociétés de consommation, l’agriculture intensive, une urbanisation sans cesse croissante causée par l’explosion démographique. Le changement climatique – déjà de nos jours responsables de la montée du niveau des océans et de la fonte des calottes polaires – amènera la disparition d’archipels du Pacifique, d’espèces animales et végétales et contraindra ainsi des milliers de personnes à quitter leur lieu d’habitation inondé, ou trop aride, ou simplement disparu. Les réfugiés climatiques ne manqueront pas à s’ajouter au très grand nombre des êtres humains qui quittent leur pays pour cause de guerre ou de persécution. L’érosion et le changement climatique nuisent déjà maintenant à de nombreux sites UNESCO qui a constitué une liste des sites en péril.


Un grand défi consiste dans le changement de nos mentalités : manger des fraises à Noël, des pommes de terre bio importées du Chili, prendre l’avion pour de courtes distances, boire l’eau (de préférence du Himalaya) en bouteille en plastique, acheter un t-shirt à 5 euros fabriqué dans des conditions atroces à l’autre bout du monde, acheter une viande si bon marché qu’elle ne peut venir que de l’élevage de masse, changer tous les ans de smart-phone… :  les chantiers sont gigantesques. Mais c’est à nous tous qu’incombe la responsabilité de sauver cette planète. Nous n’en avons pas d’autre.


Nous espérons que la Minett UNESCO Biosphere incitera les habitants, les ONGs, les entrepreneurs et les scientifiques y implantés à développer des initiatives nouvelles, proposant des approches véritablement durables et des alternatives aux modes de fonctionnement actuel. C’est donc aussi une région orientée vers un renouveau, le remix et la réinvention, et ce en vue d’un développement plus respectueux de la relation réciproquement enrichissante homme-nature ou homme-planète.